Je suis fringale enfermée dans un corps poussiéreux.


Je suis les crocs acérés d'un vampire assoiffé dans l'encolure de la dentelle froissée d'une poupée de porcelaine, mes canines s'enfoncent brisant la peau cristalline sans chaleur. Je suis la perforation dentaire de la boulimie.

Je suis l'ogre baignant dans les fonds gastriques d'une cave humaine. L'acétone étanchant la soif intestinale. Je suis ce liquide toxique qui se propage à travers les canalisations sanguines de l'être décharné comme le sang se diffuse dans les veines d'un conquérant. Mes veines abritent diverses substances putrides de mon âme fantomatique. Je reflète les contours osseux sur la dépouille de l'affamé torturé d'été à hiver, du jour naissant jusqu'au souffle du crépuscule.

Cette sensation de douleur enfantée au creux de l'estomac et bloquée entre les cordes vocales, la grenade coincée sous les poches de mes yeux, les vaisseaux assénés colorant ainsi mes pupilles d'un voile rouge , c'est moi. Je suis l'engrenage de ma torture. Les cernes gonflés, à la limite de la rupture. Le regard noircit de cet encre imprégné d'alcool allongeant les cils, masquer le gouffre orbitale.

Le grimage dégouline sur ma peau, le carrosse redevient citrouille, déguisement achevé avant les douze coups de minuit. Le temps d'un sourire. Le tracé charbonneux de mes joues est pointillé sur ma peau. De l'eau de vie jaillit au plus petit battement de paupières. Elles sont comme un levier déversant des multitudes de grains humides et salés. Je m'arrose d'un liquide sec et amer, ma peau goute le bourbon, le cognac, le whisky, le rhum tous mélangé les uns aux autres. Mon sang est ivre et mes membres engourdis, anesthésiés par les effluves de ma chair. Mon corps n'est qu'une citerne, un réservoir aux milles saveurs acidulée. Mes larmes aigres douces, comme une sauce un peu trop piquante, je suis piment. L'espace contenant l'éther. Les orifices de mon cadavre ne sont que les conduits d'une vidange perpétuelle de substances épineuses.

Je suis cette courbe discontinue ne ramenant à rien, ne s'attachant à rien. Je suis la suspension du temps. L'interruption d'expiration. Le moment où la foule retient son souffle tout en détournant le regard paniqué lorsque le lion s'enfile l'anneau de feu. On ferme les yeux sur moi, craignant de ne voir le désastre flamber peu à peu mon duvet. Je flotte à l'intérieur de moi, je n'ai pas de sang, de vertèbre, ni d'organe. Je suis une membrane insensible sans mécanisme.